jeudi 9 août 2007

Zombiman

J'étais nulle part. Et de toute façon je m'en fichais, je n'en avais pas conscience. Pour ainsi dire, je me reposais de moi. On s'en doutera volontiers : cela ne pouvait pas durer. Un «p'tit rien» non identifié a suffi à briser la magie du moment.

À partir de là, mon cerveau s'est rebellé et a lentement repris ces droits en balançant alors un commentaire mal avisé de type «fnnnnaaaa». À l'écoute de ce commentaire interne, mon cerveau — encore lui — se devait aussitôt de le traiter. Pour cela, il se mit à agiter des paquets de neurones. Ils conclurent à un dramatique «fneeefnnnnaaaa ?».

De fil en aiguille, d'autres parties du cerveau se joignirent à la partie, essentiellement celles qui conservaient pieusement la mémoire et le langage. En un rien de temps, la boucle de rétroaction lancée par le «fnnnnaaaa» primordial aboutit à des phrases aussi fondamentales que «Où suis-je ?», «Qui suis-je ?», «Quelle heure est-il ?». Arrivé à ce niveau d'activité mirifique, mon organisme se rappela discrêtement à mon attention. Je redécouvris la vision. Le paysage des paupières étant des plus désertiques, j'ouvris enfin les yeux en persistant à me demander quelle heure il était. En prime, il faisait nuit. Ce n'était le scénario prévu.


Je regardais le réveil et constatais un minuit et demi bien avancé. Cela faisait donc une heure que je dormais. Mais pourquoi ce réveil ? Je n'eus pas à réfléchir longtemps pour découvrir l'origine du problème de sommeil : un bourdonnement irrégulier attaquait mes pauvres p'tites oreilles qui, elles aussi, se faisaient lentement mais sûrement recâbler au reste du système nerveux.

Je percevais au fur et à mesure dans ce bruit des mots. Des mots qui étaient dits de plus en plus fort par une voix masculine dans la pièce voisine. Ainsi, malgré moi, je commençais à décrypter des paroles, un monologue passionné. Il contait avec force conviction dans le ton la folle aventure de personnes qui roulent à 350km/h sur des circuits automobiles. Croyez-moi : vous n'imaginez pas le bonheur de se savoir réveillé par un adepte des sports automobile qui ne connait pas la portée de sa voix... surtout quand on apprécie vraiment pas les sports susmentionnés.

Un quart d'heure plus tard, la voix — celle d'une connaissance de Verdandi — persistait sur bien d'autres sujets que je renonçais à déchiffrer pour éviter des conséquences psychologiques durables pour moi ou un meurtre à coups de harpe celtique pour lui. Vaincu, totalement vasouillard, je me levais donc avec la certitude absolue de ne pas pouvoir me rendormir avant un bon moment (dont acte : il fallut trois quart d'heures pour que je dorme à nouveau). Vieux de cent ans, je suis sorti de ma chambre avec un mug en mettant par étape un pied devant l'autre. Par réflexe, j'allumais la lumière de la cuisine et fus aussitôt aveuglé.

Alors que j'arrivais à l'évier éblouissant, Verdandi vint voir ce qui éveillait son colloc'... J'imagine qu'elle dut constater les dégâts irrémédiables causés par un sommeil brisé et la lumière aveuglante de la cuisine. Rares sont les personnes qui ont pu observer de près l'être alors le plus proche d'un mort-vivant filiforme en pijama. Fort civilement, elle s'est inquiétée du volume de la conversation, ce que d'aucuns verront comme un réflexe de survie afin de ne pas étudier l'apparance de son colloc' changé en croque-mitaine. En personne parfaitement imprégné par son rôle (et pour cause), je ne sais même plus ce que j'ai dit. Il est des plus probables que j'ai fort admirablement coassé ou grogné, admirablement soutenu en cela par ma gorge en papier abrasif. Peut-être ai-je lâché un «fnnnnaaaa» amélioré. La honte pour sept générations en somme. ^_^


Note pour plus tard : bloody jeudi !

3 commentaires:

Nina a dit…

Eh, eh. C'est là tout le problème des voix graves... T'as pas tout perdu à ne rien entendre de la suite, il vantait les mérites de l'économie libérale ! ;-)

Anonyme a dit…

Je vais vous conter une légende, que dis-je un mythe ancestral. Un gnome et un troll se promenaient joyeusement par une nuit étoilée. Ils voulaient absolument observer les astres s'affronter dans des joutes gravitationnelles terribles.

Après ce spectable ô combien exaltant, ils décidèrent de se sustenter en dégustant un plat digne de la plus exquise cuisine orientale des mille et une nuits.

La légende dit que l'un d'eux fut empoisonné à tel point que son apparence s'est changée en Zombiman suite à une nuit blanche passée couché à même le sol près des commodités de sa demeure.

Transformer quelqu'un en Zombiman est un crime horrible ! Honte sur toi Verdandi !

le Spib a dit…

Antz > Heureusement, les mythes, c'est rien que des histoires pas vraies, non ? ^_^

C'est d'ailleurs curieux parce que cela me rappelle un élément peu connu de la légende Arthurienne où il est aussi question de zombimanie. En effet, le chevalier Davield d'Aquitaine souffrit un jour d'une soudaine et terrifiante zombimanie.

Pour cacher ce mal, il est dit qu'il s'isolait du monde, assis sur le trône du palais de Chavannes. Dans tout le château, l'on murmurait qu'il conversait là avec quelque créature maléfique pour trouver solution à son malheur : preuve en étaient les bruits effrayants provenant de la salle qu'une gorge humaine n'aurait pu produire.

Yohann le Petit, le druide d'alors, faillit d'ailleurs mourir en un instant lorsqu'il crut reconnaître le déchainement d'invraisemblables cornemuses annonciatrices du Dieu des Enfers lui-même...

Vraiment, on ne rigole pas avec la zombimanie...