lundi 6 août 2007

Fenêtre sur la société

Ce lundi, sur une idée de Verdandi, nous sommes allés observer les rouages d'une insitution fameuse entre toutes : la Justice. Nous nous sommes donc rendus sur l'Île de la Cité et avons rapidement trouvé le Tribunal de Grande Instance, plus particulièrement les chambres correctionnelles.


Les lieux, ouverts au public, s'avèrent imposants et l'architecture classique présente peu de distractions pour l'oeil : le faible éclairage, le bois et le marbre rendent les lieux solennels.


La salle d'audience elle-même est quelque peu singulière : très haute de plafond, couverte jusqu'à mi-hauteur d'un bois sculpé très sombre que je n'ai guère vu que dans des églises en de telles quantités. Les deux seules décorations notables consistent en un lustre aux multiples globes et en une gravure blanche de la Justice avec une balance. Hormis ces éléments, la salle se veut presque strictement fonctionnelle : bureaux, box des accusés, rangées de banc.

Là, en cinq heures de temps, j'ai assisté à la description de neuf affaires très différentes. Leur seul point commun résidait dans leur date d'effet : dans la semaine précédente tout au plus (des «comparutions immédiates»). Les affaires consistaient en des vols, des agressions physiques, des menaces, un trafic.

Nous sommes arrivés dans la salle pendant l'étude de l'identité d'un accusé par la présidente de la chambre. Cette scène confirma immédiatement l'impression de froide rigueur et de solennité. La présidente incarnait sans conteste son rôle : gestuelle limitée, visage impassible, élocution claire, précise, tranchante pour ainsi dire. Lors de cet après-midi-là, elle nuança fort peu son expression. Tout au plus, fut-elle par moments ironique, cassante, blasée ou impérative. La seule trace de sympathie réelle clairement affichée par la présidente fut d'expliquer en termes simples à un accusé apathique ce en quoi consistait sa peine.

La sévérité de l'audience apparaissait aussi dans son organisation. La présidente suivait scrupuleusement une procédure qu'on pourrait résumer ainsi : étude de l'accusé (identité et cadre social), présentation des faits avec questions à l'accusé, écoute du réquisitoire du procureur de la République et écoute de l'avocat de la défense. Les jugements, mis en délibérés, était rendu de façon groupés après de longues suspensions de séance.

Plus que les affaires prises séparément, deux points que l'on retrouvait dans toutes les affaires m'étonnèrent beaucoup. Le premier tenait à la partie administrative de la justice. La question qui prenait le plus de temps se résumait le plus souvent à celle de l'identité. Ainsi, dans trois des cas, l'accusé était connu sous plusieurs noms (ou alias) avec pour chacun un casier. L'un d'entre eux affirmait même avoir quatre noms à son état civil (ce qui causa bien des questions et des incompréhensions). Un autre cas encore posait une difficulté surprenante : il n'existait aucune trace de l'homme dans les papiers de l'Administration malgré un certificat de naissance; ce point ne fut cependant pas bloquant. A contrario, une autre affaire fut reportée après observation de l'absence de représentation des victimes : ces dernières n'avaient pu être contactées.

Un second point, encore plus marquant, apparut au fur et à mesure des présentations des affaires : les personnes accusés avaient de nombreux points en commun. Le prétoire vit passer essentiellement des récidivistes. Sur les dix personnes qui ont été jugées, il n'y avait qu'une qui avait au casier judiciaire vierge ! Tous les autres présentaient invariablement des listes de «p'tits délits» généralement répétés. Dans un cas, la lecture du casier tourna à la litanie, l'accusé indiquant d'ailleurs qu'il avait été condamné avant les années indiquées dans le casier...

Les situations de ces différentes personnes décrivaient une part de notre société bien mal en point : un ensemble de gens très peu éduqués ou au bout du rouleau ou bien tentant vainement de se réinsérer malgré leur casier. L'un d'entre eux se révéla presque complétement apathique, «diminué», de l'aveu même de son avocat. Reflet de nombre d'inégalités, la très large majorité des accusés étaient d'origine étrangère. Certains prenaient de la drogue, d'autres tentaient vainement d'en finir avec l'alcool, un autre enfin venait tout juste de sortir de prison (et il revenait dans les bras de la justice après un vol pour tenter de subsister).

Cependant, inflexible vis-à-vis de ces situations difficiles, la justice garda surtout à l'esprit les casiers judiciaires : les peines furent lourdes dans la plupart des cas. Il n'était pas ici question de guérir, d'aider ou de réparer; il s'agissait ici de juger et de punir. Les autres actions étaient sans doute laissées aux bons soins du juge d'application des peines et aux éventuelles associations d'aide ou de réinsertion... Enfin je l'espère car jamais je n'ai aussi bien compris la maxime : dura lex, sed lex.



Note pour plus tard : l'instruction civique se fait bien quand elle se base sur du vécu.

1 commentaire:

Nina a dit…

Si je peux me permettre, en correctionnelle on ne dit pas "accusé", qui est réservé à la cour d'assises, mais "prévenu".
Et mon billet à moi est enfin en ligne !