dimanche 29 juillet 2007

Word War I

[Par pure bonne volonté de ma part, ce message a fait l'objet d'une modification suite à réclamation de Verdandi. Afin de bien coller à la réalité des faits, le mot «colocataire» a été remplacé par le mot «colocatrice». Par ailleurs, ma mémoire sera soumise à des tests de sénilité.]

Aber Wrac'h - 5e jour du l'Ère du 25 juillet 2007 - Beau temps en début de soirée, bruine sinon.

Je parlerai aujourd'hui d'une situation extrêmement grave. De nos jours se joue un conflit sanglant qui perdure faute de meneurs motivés. La situation actuelle tient de fait d'un statu quo façon guerre de tranchées. Aussi, j'ai décidé ce jour de prendre mes responsabilités de dirigeant du camp des gens qui ont raison et de faire avancer le schmilblick de façon définitive. Nous utiliserons une arme de destruction massive !

Pour mémoire, le point de départ de cette sombre guerre tient à peu de choses, comme tous les plus gros conflits de l'Histoire. Un jour, en parlant à Verdandi, j'ai en effet utilisé l'expression «ma colocatrice». La réaction de Verdandi fut immédiate et fort imprévisible. La valeur quasi-mythologique de cette conversation fait que personne à notre époque ne dispose d'une version exacte de cet échange originel. Voici l'approximation que mon camp tolère :
« — "colocatrice" n'est pas un mot.
— Mais puisque je l'utilise et que tu le comprends, c'est un mot, voyons !
— Un mot est défini par le dictionnaire. Ce n'est pas le cas de "colocatrice", ce n'est donc pas un mot. Et toc.
— Mais qu'est ce que c'est alors si ce n'est pas un mot ? Bien sûr que c'est un mot !
»
Je profite de ce saut de ligne pour signaler que Verdandi enseigne le français. Compte tenu du sujet, je partais donc avec un handicap certain : la méconnaissance du terrain. Toutefois, j'étais aussi sûr de ma définition qu'elle pouvait l'être de la sienne. Nombreuses furent les tentatives de débordement de l'adversaire de part et d'autre. Malgré une lutte véhémente, les résultats restèrent mineurs. Heureusement, à ce moment-là, la préparation du thé apporta une opportunité de changement de sujet de conversation. Oui, le thé conserve un rôle central en matière de paix.

La guerre restait cependant ouverte. Pour preuve, quelques semaines plus tard, je me retrouvais avec Verdandi et sa meilleure amie : Polymnie. Chose fort intéressante, Polymnie exerce le même métier que Verdandi. Or, les tensions diplomatiques finirent par enflammer les pourparlers d'alors. La question de la définition du mot «mot» fut abordée. À ma grande surprise, Polymnie me donna raison et soutint mon effort de guerre. Pour autant, Verdandi ne céda pas un pouce de terrain. Pour ainsi dire, le camp adversaire ne reconnut même pas ici la moindre défaite. C'est bien connu : dans une guerre, les amis ne comptent pas.

Pour en revenir à notre propos initial, ce matin, de nombreuses semaines après ces deux premiers assauts, j'ai décidé de tenter une attaque foudroyante à distance. J'ai consulté la Wikipédia, le Wiktionnaire, une page tenue par des linguistes et enfin, Graal francophone, le Dictionnaire de l'Académie Française : « Mot : son, signe, lettre, ou groupe de sons, de signes, de lettres, servant à désigner des objets, à exprimer des actions, des sentiments, des idées, ainsi que leurs rapports.» Il est à noter que pour les linguistes, on peut même se passer de la notion de sens («rztgza» est donc un mot... mais c'est sans doute un peu intégriste comme position).

Partant de la définition de l'Académie, on en déduit que si vous comprenez les groupes de symboles que j'utilise (à l'écrit ou à l'oral), c'est qu'il s'agit là de mots. Ma bombe Académique vient donc d'être lancée sur l'ennemie. Et l'ennemie pliera !

Ainsi s'ouvrira une nouvelle ère de paix pour le monde vocabularial ! Non seulement Verdandi sera sauvée de l'Erreur mais aussi tous ces futurs élèves. De nombreux termes seront ainsi sauvés d'une disgrâce horrible : «réveillicide», «vocabularial» ou «colocatrice» pourront alors vivre une honnête vie de mots. Aussi, mes très chers compatriotes, c'est avec les larmes aux yeux à l'idée de tout ce bonheur que je ne puis que conclure ainsi : vive les mots, vive la langue française !


Note pour plus tard : dans les conversations tétrapiloctomiques avec Verdandi, pratiquer si nécessaire la xyloglotte pour libérer encore plus de nouveaux mots ! ^_^

7 commentaires:

Nina a dit…

Je m'élève, m'insurge contre ces procédés indignes ! Déjà qu'on lance des skuds dans mon dos, mais en plus on déforme mes paroles ! Bien sûr que "colocataire" existe, c'est "colocatrice" qui n'existe pas, et vous venez, très cher, de prouver que votre inconscient est de mon côté puisqu'il a de lui-même tranché en ma faveur, en rectifiant le mot incongru. Affaire classée ? ;-)

Nina a dit…

J'en profite pour rajouter qu'un mot sert certes à désigner un objet, mais qu'il doit faire l'objet d'accords préalables entre les individus sur ce qu'il désigne si l'on veut se comprendre, n'est-ce pas.
C'est pourquoi on ne peut pas employer n'importe quoi n'importe comment, à moins bien sûr de s'être totalement affranchi des contigences de la communication. Par exemple, si je dis en ce moment que je porte un skruijg, de couleur rouzmak et orné de tvowxsda, qui va voir de quoi je parle ?
Personne, nous sommes bien d'accord.
Juste, avant de nous quitter et pour la bonne bouche : j'emmerde les linguistes !!!

le Spib a dit…

Pour la première remarque, il ne s'agit pas ici d'une question d'inconscient mais d'une question de mémoire... hélas faillible. Nous avons rectifié le tir pour la transparence de la démonstration (et mieux encore, nous avertissons le lecteur).

Ceci dit, le changement de mot ne change rien à l'affaire. La victoire est mienne. ^_^

le Spib a dit…

Pour la deuxième remarque, j'en déduis qu'il s'agit-là d'un texte d'armistice (dans la mesure où nous sommes d'accord sur le contenu). O_o

... même si j'ai rarement vu un armistice aussi peu direct. ^_^

Nina a dit…

Armistice ? Déposer les armes ? Jamais ! ;-) Surtotu que si nous sommes d'accord sur le deuxième texte, votre définition de 'mot' tombe à l'eau....
Dois-je vous rappeler qu'en psychologie, remplacer un mot par un autre n'est jamais innocent, et que l'excuse du défaut de mémoire est bien facile ?

le Spib a dit…

Quelle capacité prodigieuse à ergoter !

Lorsque j'emploie «colocatrice», je suis aussitôt compris; l'accord de sens est immédiat (mon interlocutrice n'a pas demandé le sens de ce nom). Du même coup, nous avons affaire à un mot puisqu'il permet de communiquer. Ce n'est pas le cas de «skrujig» pour lequel il faudrait donner une explication : ne véhiculant de sens que pour l'un d'entre nous, il ne s'agit pas d'un mot pour nous... pour le moment. Voilà pourquoi je dis que nous sommes d'accord.

Là où nous nous distinguons, c'est qu'à mon sens il n'est pas besoin d'accord _préalable_ systématique pour qu'un mot apparaisse : la composition du mot ou le contexte de son utilisation peut en donner immédiatement le sens et en faire un mot à part entière. De fait, l'apprentissage d'une langue maternelle ou d'une langue étrangère passe souvent par le fait de deviner le sens des mots d'après le contexte (une image, une situation...).

Enfin, à titre de mauvaise foi pure par rapport au premier commentaire, «colocatrice» existe.... puisque je l'écris.

Bon, j'arrête là mon clavardage pour ce soir. ^_^

Anonyme a dit…

tiens, j'apprends que "colocatrice" n'est pas un mot ? Qu'en pense ta colocatrice ?

...hein quoi ?... oui je sors !