lundi 30 mars 2009

L'axiome de la politesse

P'tit, je léchais les plats pour faire éloge à la qualité du repas : langue de boeuf paternelle, crêpe banane-sucre maternelle, spaghettis bolognaises grand-maternels. En parallèle, lors de la préparation d'une crème pâtissière, on pouvait toujours compter sur moi pour finir de nettoyer à la langue le saladier, le fouet et les cuillères. Un délice.

Quelques années plus tard, je n'ai pas complètement perdu cette lointaine habitude quand je manque de pain... pour le plus grand malheur apparent de ma seule coloc. Un boudin aux pommes que j'ai fini selon ce mode traditionnel il y a deux semaines me valut en effet les foudres de Verdandi. Et, hier encore, la réprobation était dans l'air en face d'un second boudin aux pommes. Résumons le propos (sans déformation, la question est grave) : lécher un plat est une attitude :
  • malpolie ;
  • assimilable au fait de se curer le nez ou de péter (du fait d'une évocation peu ou prou glauque de notre organisme et de ses voies naturelles).
Je n'étais pas convaincu de l'argumentaire. Je le trouvai colococentré, ou plus exactement issu de son éducation. En y réfléchissant un peu plus, je dirai maintenent que c'est un axiome de ma coloc autrement dit un élément de raisonnement admis et indémontrable. Le fait de citer un axiome fait en général ni chaud ni froid, chacun pouvant l'accepter ou pas.

Voici quelques arguments en vrac montrant que l'attitude que l'on peut avoir envers le fait de «lécher un plat» n'est qu'un choix tout personnel :
  • tirer la langue ou «rouler un patin» sont des activités linguistiques que ne réprouve pas la morale commune, pourquoi alors lécher un plat le serait ?
  • lécher un plat nous rapproche de l'animal, fichue bestiole incapable d'utiliser des couverts ou des baguettes. Au nom de notre degré d'évolution, il convient de démontrer quotidiennement que nous ne sommes pas des bêtes. (Accessoirement, les zoologistes ont montré que certains animaux utilisent bien des outils pour manger comme le fourmilier ou son cousin le tamandua) ;
  • l'Islam recommande de se lécher les doigts et de lécher les plats (voir par exemple le paragraphe 750) ;
  • les systèmes de politesse autres en général nous semblent en général infondés ou curieux. Le système japonais, entre autres, est magnifique de complexités byzantines ou d'interdits aux doux noms de komibashi (le fait de mettre les baguettes dans sa bouche), hotokebashi (planter ses baguettes dans le riz) et autres listés par un blogueur de là-bas.
Au final, j'ai décidé de ne lécher les plats que lorsque je suis en compagnie d'adeptes de cet art noble, laissant les autres dans l'ignorance de cette joie enfantine et malicieuse. Ne vous étonnez donc pas si je vous pose la question.


Note pour plus tard : ajouter «lécheur de plat» dans ma définition !

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