dimanche 27 juin 2010

Quoi de pire ?

Les cours de musique posent une jolie problématique : l'audition de fin d'année. Je m'autorise ce qui suit dans la mesure où je participe moi aussi annuellement à ce massacre à la tronçonneuse instrumentale. Sans cela, j'aurai bien entendu tenu un tout autre discours à base de «courage» ou «d'efforts des interprètes venus présenter les résultats de moults mois de dur labeur».

Dans le cas présent, il s'agissait d'une audition de chant. Une élève d'Euterpe avec qui j'avais déjà joué venait pour accompagner une chanteuse. Euterpe était présente, vigilante comme à son habitude aux moindres détails instrumentaux.

En temps normal, je ne peux prétendre à une grande empathie avec le chant lyrique. J'ai autant de mal à y trouver de la beauté qu'à y déceler les immanquables casseroles et faussets, signe probable que je passe à côté de l'idée musicale.

Pourtant, cette audition m'a fait découvrir que je possédais cette capacité innée et maudite de ressentir la musique. Une chanteuse anonyme se lança dans une pièce avec une voix fameuse entre toutes, surtout du fait de son incroyable fausseté. Je me limiterai ici charitablement à ne décrire que ma propre réaction physiologique : plissement des yeux, resserrement des mâchoires, crispation générale de l'organisme, envie de fuite, détresse à la pensée de ne pas voir venir la fin du morceau. J'en arrivai à vouloir entrer dans le mur auquel j'étais adossé, plaqué que j'étais par cette voix.

Je n'avais jamais envisagé pouvoir ressentir pareille pagaille interne sans un minimum de décorum bien établi dans mon imaginaire : la cabine d'un avion se retrouvant balloté dans un nuage d'orage monstrueux. Me voici servi en ce qui concerne l'économie de moyens imaginatifs; une voix suffit.

Pouvait-on faire pire exemple de campagne contre le port d'oreilles ? J'en doutais au moment de l'intermède. Hélas, l'Univers se fendit d'une démonstration flamboyante de ma sottise. Quoi de pire qu'une chanteuse ? « Mais, voyons, la réponse est évidente» me semblait hurler l'Univers : deux chanteuses ! Et pas deux chanteuses ordinaires, non. Des jumelles ! Ceci augmenta les décibels assassins mais permit aussi de donner naissance à d'insidieux et subtils effets d'écho.

Je m'étonne encore de l'absence d'épilepsie, de suicide ou de cohue dans l'auditoire silencieux et immobile. Sans doute faut-il y voir toute la profondeur de la formule «Les grandes douleurs sont muettes.»


Note pour plus tard : ne plus ignorer qu'un intermède lors d'une audition reste un excellent moyen pour protéger son intégrité auditive par la fuite.

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